Révélée jeudi, la collision évitée de justesse le 19 février à proximité de l’aéroport de Roissy entre un drone non identifié et un Airbus A320 d’Air France effectuant la liaison entre Barcelone et Paris, va donner lieu à la première enquête engagée par le Bureau d’enquêtes et d’analyses (BEA) à la suite d’un incident provoqué par un drone.
Que sait-on de l’incident du 19 février ?
Les informations communiquées par le BEA, qui qualifie l’incident de « grave » et a ouvert une enquête, sont lapidaires. L’appareil a croisé le drone à une altitude de 5500 pieds (environ 1 600 mètres) sur sa gauche. Le copilote a eu le réflexe de déconnecter le pilote automatique et d’effectuer une manœuvre d’évitement. Le commandant de bord estime que le drone est passé à « environ 5 mètres en dessous de l’aile gauche de l’avion », indique le BEA. L’équipage a informé le contrôle aérien et repris l’approche, sans autre incident.
Selon un spécialiste de la sécurité aérienne contacté par Le Monde, la précision (5 mètres) fournie par le pilote doit sans doute être relativisée compte tenu de la vitesse relative (plus de 500 km/h) de l’avion à une telle altitude, ce qui rend difficile une évaluation. Celui-ci évoque « une trajectoire conflictuelle », c’est à dire l’entrée d’un aéronef « intrus » – le drone – dans le périmètre de sécurité de l’Airbus d’Air France. De son côté, le BEA indique ne pas disposer d’informations sur la nature du drone (une aile volante ou un multicoptère) et sa taille (un appareil ne pesant que quelques kilos ou un plus gros modèle). Compte tenu de l’altitude élevée (1 600 mètres) à laquelle l’engin a été observé, on peut douter du fait que ce drone était un appareil de loisirs.
Quels sont les précédents ?
Le 15 février, le directeur-général de l’Iata (Association internationale du transport aérien), avait sonné le tocsin lors du salon aéronautique de Singapour. Il avait mis en exergue les relevés réalisés par l’Université de Ward (New York) selon lesquels 36 incidents « proches d’une collision » ont été recensés dans l’espace aérien américain entre décembre 2013 et septembre 2015, dont 28 ont contraint les pilotes à manœuvrer d’urgence.
Selon la Gendarmerie, sept signalements de survols illicites autour de l’aéroport Charles de Gaulle ont été recensés en 2015, entrainant l’ouverture d’enquêtes préliminaires. Ailleurs en Europe, plusieurs incidents ont été signalés ces derniers mois. Notamment en juillet 2015 à Varsovie où un Embraer 105 de la Lufthansa a croisé un drone à une altitude de 120 mètres. Au Royaume-Uni, un Airbus A319 a signalé avoir croisé à moins de trente mètres un drone à hélices le 30 septembre dernier à l’approche de l’aéroport de Manchester. Quelques jours plus tard, c’est à 1 000 mètres d’altitude qu’un appareil au décollage a lui aussi frôlé un drone près de Manchester.
Quelle menace représentent les drones pour les avions de ligne ?
La masse d’un avion de transport est bien supérieure à celle d’un drone, mais compte tenu de sa vitesse en phase de décollage ou d’atterrissage, une collision peut avoir des effets désastreux. « La prolifération des drones constitue une menace nouvelle pour la sécurité aérienne ; il s’agit clairement d’un sujet pour les pouvoirs publics » estime un expert.
Pour autant, il est peu probable que des consignes spécifiques soient adressées aux pilotes. « En phase de décollage ou d’atterrissage, nous savons tous qu’il faut être concentré sur ce qui se passe autour de l’appareil. La consigne, bien connue, est de « voir et éviter », qu’il s’agisse d’un avion, d’un drone ou d’un volatile » assure notre spécialiste de la sécurité aérienne. Selon lui, « il ne faut pas fantasmer ; il en va des drones comme des oies et des cigognes en période de migration. Le risque est comparable ».
Quelles parades envisager ?
Les avions de ligne comme les contrôleurs aériens disposent des instruments leur permettant de connaître la position des appareils évoluant à proximité. Impossible, en revanche, de repérer un drone, trop petit pour apparaître sur un écran radar. L’incident du 19 février ne peut que stimuler les projets financés en partie par l’Etat, lancés il y a un an après les survols de centrales nucléaires par des drones, visant à mettre au point des systèmes de détection et de neutralisation d’appareils autonomes afin d’assurer la protection des sites sensibles.